Le Parlement européen examine actuellement la proposition de règlement sur les droits des passagers dans le contexte des trajets multimodaux (COM(2023)0752). Ce texte vise à mieux protéger les passagers utilisant des trajets combinant plusieurs modes de transport (train, avion, bus, etc.). Je m’engage activement pour renforcer les droits des passagers européens et garantir une mobilité juste et équitable.
Derrière la vitrine verte, la main du marché
Le règlement proposé prétend renforcer les droits des passagers dans le cadre de billets combinant plusieurs modes de transport. Pourtant, derrière cet objectif affiché de protection contre les retards, annulations ou correspondances manquées, se cache une offensive libérale visant à consolider un modèle économique fondé sur la marchandisation de la mobilité. La Commission européenne, fidèle à sa logique productiviste, promeut le transport multimodal non pas comme un service public à développer dans l’intérêt général, mais comme un nouveau marché à ouvrir à la concurrence, sous prétexte de contribuer aux objectifs climatiques du Pacte vert.
Cette orientation est dangereuse. En sanctuarisant les « paquets multimodaux » comme modèle de référence, elle prépare une captation de la valeur par des géants du numérique et des plateformes privées, souvent situées hors de l’UE, qui se contenteront d’agréger les trajets tout en contournant les règles protectrices pour les usagers et sans assumer aucune responsabilité.
Résultat : les transporteurs publics, les PME locales et les territoires ruraux risquent d’être étranglés. La logique de dumping social et écologique guette, au détriment de la qualité du service, des conditions de travail et de l’aménagement du territoire.
Nous devons refuser cette approche néolibérale et appeler à une régulation stricte, incluant l’obligation de responsabilité juridique des plateformes vis-à-vis des passagers, des règles de transparence contractuelles, l’encadrement des tarifs, et la garantie que les données générées par les trajets restent sous contrôle public. La multimodalité ne doit pas devenir un cheval de Troie pour l’ubérisation des transports.
Nous portons un tout autre projet : une planification écologique des mobilités, ancrée dans la règle verte, qui repose sur des infrastructures publiques, l’interconnexion des services ferroviaires et routiers non carbonés, et l’égalité d’accès pour toutes et tous. Ce texte, en l’état, ne répond pas à ces impératifs et devra être profondément remanié pour être compatible avec les exigences sociales, écologiques et démocratiques de notre temps.
Remettre les droits des passagers et l’intérêt général au cœur du texte
Face à un texte aux contours flous et trop favorable aux logiques de marché, j’ai porté une série d’amendements de rupture, pour redonner du pouvoir aux usagers et garantir que la multimodalité ne soit pas une arnaque dissimulée derrière des promesses écologiques.
Pas d’obligations injustes pour les réseaux publics locaux
Alors que les services urbains et régionaux de transport sont asphyxiés par des décennies de sous-financement, je m’oppose à ce qu’ils soient soumis à des normes taillées pour les grandes plateformes privées. Il propose d’exclure explicitement ces réseaux du champ d’application du règlement, pour éviter de rendre dépendant nos services publics à des géants privés. La priorité doit être l’investissement massif dans ces transports publics du quotidien, qui sont les seuls à même de répondre à l’urgence climatique et sociale.
Fin de l’impunité pour les plateformes hors UE
Trop souvent, des entreprises situées hors d’Europe vendent des billets combinés tout en se défaussant de leurs responsabilités en cas de litige. Je demande qu’aucune entreprise ne puisse opérer dans l’UE sans désigner un représentant légal sur notre sol. C’est une mesure de bon sens, une mesure d’égalité, pour que les passagers aient un interlocuteur réel et pour que la justice européenne puisse s’appliquer pleinement.
Défense des droits en cas de correspondance manquée
Quand une correspondance est manquée, c’est la jungle juridique pour les usagers, pris en étau entre transporteurs et intermédiaires qui se rejettent sans cesse la responsabilité. Je propose de mettre fin à ces zones grises : les responsabilités doivent être claires, écrites, consenties. Si un passager achète un billet par le biais d’un intermédiaire, c’est à ce dernier de rembourser le passager en cas de perturbation du voyage. Le droit des passagers ne peut dépendre du bon vouloir d’acteurs économiques qui s’exonèrent de leurs devoirs en se renvoyant mutuellement la charge des litiges. Ces acteurs disposent des moyens nécessaires et de routines bien rodées pour résoudre ces litiges.
Non à l’arbitraire technocratique
La Commission prévoit que les données personnelles des passagers soient supprimées sous 72 heures. Bien que cette mesure semble positive, elle repose sur l’arbitraire et est contre-productive. Elle empêche les passagers de faire valoir leurs droits en cas de litige après 72 heures. Je défends un encadrement plus strict, conforme au RGPD, qui protège réellement les libertés des citoyen et citoyennes face aux appétits des plateformes.
Priorité à l’intérêt du passager
En cas de perturbation, les passagers doivent être réacheminés au plus vite, sans que cela dépende des arrangements entre compagnies. Je propose que le réacheminement puisse s’opérer par tout moyen disponible, y compris via des opérateurs concurrents, pour garantir une réponse rapide, humaine, efficace, et pousser les transporteurs à assumer leurs responsabilités.
Remboursement souple, droits garantis
Les passagers doivent avoir le choix. Je défends l’extension du délai de remboursement à 30 jours et la possibilité de choisir entre remboursement en argent ou en avoirs. Surtout, il est nécessaire que le remboursement soit toujours garanti, même après l’émission de bons non utilisés, et même si un bon a été partiellement utilisé. Cela permettra de mettre fin aux pratiques abusives visant à piéger les usagers dans des avoirs inutilisables.
En finir avec la pub mensongère
Trop souvent, les plateformes vendent des trajets combinés sans mentionner les risques. Je propose que toute limitation soit explicitement affichée dès l’achat, notamment pour les vols avec correspondance. En cas de manquement, nous devons prévoir une indemnisation automatique et significative. Ce n’est qu’à ce prix que les pratiques évolueront.
Pour une mobilité multimodale au service du peuple, pas des plateformes
Alors que l’Union européenne prétend réinventer la mobilité en Europe à travers la multimodalité, le texte actuellement sur la table illustre une nouvelle fois la duplicité du projet européen dominant : derrière les discours verts et l’apparente modernité technologique se cache la consolidation d’un modèle marchand, fondé sur la dérégulation, l’opacité contractuelle et l’impunité des géants du numérique. Sous couvert d’innovation, on cherche à faire passer l’ubérisation des transports pour une avancée écologique.
Or, cette logique est non seulement injuste, mais dangereuse. Elle expose les usagers à des zones d’irresponsabilité juridique, rend impossible une politique cohérente de planification écologique des transports, et menace les opérateurs publics locaux, déjà vulnérabilisés par des décennies de libéralisation et de sous-financement. L’absence de transparence, la fragilisation des conditions de remboursement, l’exploitation des données personnelles et l’évitement des obligations de responsabilité sont autant de marqueurs d’une dérive profondément néolibérale.
Face à cela, j’ai choisi un tout autre chemin : celui de la clarté, de la justice et de la souveraineté populaire. Un chemin qui rétablit la primauté de l’intérêt général sur les intérêts privés, remet les services publics au cœur de la bifurcation écologique, et garantit que les droits des citoyens et citoyennes ne soient jamais sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Je considère que la mobilité est un droit fondamental. Elle doit être accessible à toutes et tous, sécurisée, régulée et pilotée par une logique de planification démocratique. Cela suppose de sortir des dogmes du marché, de reprendre le contrôle sur les infrastructures essentielles, de conditionner toute innovation technologique au respect des droits humains et de la planète.
Ce combat s’inscrit dans notre vision d’une bifurcation écologique planifiée, guidée par la règle verte, et d’une Europe refondée sur les principes de justice sociale, de solidarité et de souveraineté démocratique. Nous ne voulons pas d’un marché unique de la mobilité où les citoyens et citoyennes deviennent des consommateurs captifs de plateformes opaques. Nous voulons une Europe où les transports sont pensés comme un commun, gérés dans l’intérêt collectif, et au service d’un avenir soutenable.
En portant ces propositions, c’est cette vision que nous affirmons : une vision de résistance face aux lobbys du numérique, de dignité pour les usagers, et de transformation sociale. C’est une voix que nous défendons depuis les bancs du Parlement européen, mais surtout avec le peuple, dans la rue, dans les mobilisations, dans les territoires. Parce que la mobilité doit rester un droit, pas une marchandise.





